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Le zen est avant tout une pratique, une expérience directe de l'éveil dans chaque instant de la vie vie quotidienne, ici et maintenant.

 

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Règles et préceptes

 

Une présence responsable - l'écologie au temple zen

Au temple de Kosetsu-ji nous essayons de protéger au mieux l’environnement et ceci à différents niveaux.

  • Bâtiment

Lorsque nous faisons des travaux d’entretien ou de rénovation, nous essayons d’utiiser des produits qui n’agressent pas l’environnement et de travailler le plus possible avec des matières nobles, qui ne polluent pas.

Nous avons fait installer une mini STEP. A cet effet, nous devons être vigilants par rapport à ce qui se jette dans les toilettes, de façon à ne pas tuer les bactéries qui « travaillent ». Seul le papier de toilettes est autorisé. Aucune autre texture ne peut être jetée dans les toilettes.

 

  • Jardin 

Nous avons un petit jardin potager. Il est évident qu’aucun produit chimique n’y est utilisé. Nous avons un compost bio et même bio-dynamique. Ceci nous permet d’avoir des légumes qui ne sont pas traités avec des produits chimiques. Cette année, nous avons mélangé les légumes et les fleurs. Cela a permis de chasser naturellement quelques prédateurs et d’attirer les insectes (abeilles, bourdons etc...).

Nous avons également utilisé, après l’avoir faite sécher, l’herbe que nous avions fauchée, afin de « pailler » notre potager, afin de garder la fraîcheur et l’humidité de la terre et de ce fait d’éviter de gaspiller de l’eau en arrosage.

Concernant l’arrosage du jardin, nous utilisons de l’eau de citerne qui est récupérée du toit.

 

  • Vie courante 

Le fait d’avoir une STEP entraîne que tous les produits de nettoyage doivent être le plus biodégradables et biologiques possibles. Ils ne doivent pas contenir d’eau de javel ou de produits toxiques.

Il va de soi que nous ne gaspillons pas l’eau. Ne pas laisser l’eau couler pendant que l’on se brosse les dents, idem pendant que l’on se savonne sous la douche etc..

Nous avons mis à disposition dans les sanitaires des savons qui ne contiennent pas de paraben, ni d’additifs.

Les ampoules électriques sont des ampoules économiques ou des LED.  Nous ne laissons pas les appareils en stand-by et ne laissons pas de lumière allumée dans des pièces inoccupées.

Nous pratiquons le tri des déchets, notamment de l’aluminium, le métal, le verre, le papier, le carton, certains plastiques, le « PET », la cire de bougies etc..

Tout ceci est apporté dans une déchetterie afin d’être récupéré et transformé.

 

  • Nourriture 

Nous essayons de consommer des produits de saison, de la région et des produits biologiques ou tout au moins de production équitable et ethiquable.

En effet, en consommant des produits de la région, d’une part nous participons à l’économie locale et de l’autre nous évitons d’acheter des produits venus de l’autre bout de la terre en avion !!!!!

Notre alimentation est principalement végétarienne. S’il arrive que nous mangions de la viande, celle-ci sera soit achetée à des agriculteurs du coin ou alors de production biologique. Si nous consommons du poisson, nous allons veiller à ce que celui-ci soit également pêché dans le respect de l’animal et de l’environnement.

Doko Holzhauer, nonne résidente au temple 

La cuisine - lieu de pratique cher à Dôgen Zenji

 

 

 

 

 

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Paroles de Dharma

 

Jikô Simone Wolf dans Sagesses bouddhistes - le mag, en automne 2020

Interview de Philippe Judenne

C’est à la Gendronière, maison mère du Zen Soto en Europe situé à Valaire près de Tours que nous avons rencontré Simone Jiko Wolf, alors qu’elle dirigeait une sesshin pendant le mois de juillet. Disciple de Maître Taisen Deshimaru, enseignante depuis de nombreuses années et abbesse actuelle du temple Kosetsuji, elle participe à la création de nombreux dojos et groupes de zazen en Suisse.

Sagesses Bouddhistes : Quelles formes peut prendre la violence ?
Simone Jiko Wolf : « Tout change, tout est impermanent », c’est un point fondamental de l’enseignement du Bouddha. Aujourd’hui, avec la conscience de la violence, qu’on en soit victime, acteur ou spectateur, force est de constater qu’on la perçoit au quotidien, et pas seulement sur les écrans de télévision…. On peut certes être tentés de la concevoir comme lointaine, comme un fait des sociétés organisées ou non, des centres urbains, des ethnies, des religions… Ou encore comme la conséquence de la mondialisation, de l’économie, des rapports de pouvoir, etc. Il est plus difficile de l’observer dans notre vie, notre environnement, notre famille, notre cadre de travail, nos relations… et encore plus difficile de la reconnaître en nous-mêmes. Or, même si cet exercice est ardu, il nous faut reconnaître que la violence est inhérente à la nature humaine, tout comme elle l’est à la vie en général. Dans la nature, la survie et l’évolution sont intimement dépendantes de la violence : manger ou être mangé, agresser ou se défendre.
Comment croire qu’elle ne puisse pas exister dans la vie humaine ? Le fait que toute société s’organise autour d’un corpus de règles pour la réprimer démontre bien son caractère intrinsèque. Ces régulations sont-elles devenues insuffisantes, impuissantes à réduire une violence qui semble être en expansion ?
Pourtant, aucune formation ne naît du néant. La société dans laquelle nous vivons est celle que nous créons et, aujourd’hui, nous fait souffrir, souvent d’une manière insidieuse et habile. Elle rompt non seulement le lien à l’autre et à soi-même, la compassion, mais elle pousse aussi chacun à un narcissisme aigu et, à cette fin, à la négation même de l’être…. Elle nous éloigne de notre humanité !

Les expressions de la violence sont aussi nombreuses que subtiles : il est certes aisé de constater la violence dite active, à l’égard d’autrui : la brutalité physique, l’intimidation, le harcèlement psychologique et/ou sexuel, l’abus de pouvoir, l’insulte… la parole dure, le geste menaçant, le regard méprisant… mais que dire de la violence invisible, silencieuse, infiniment plus toxique et redoutable, à savoir l’indifférence, le regard qui traverse l’autre comme s’il n’existait pas, l’absence de mots et de communication, l’exclusion, l’utilisation de l’autre à des fins personnelles… ? Que dire encore des mécanismes de projection, des catégories et jugements dans lesquels nous enfermons l’autre… ?

Un esprit attentif peut observer cette énergie, cette attitude très défensive autour du périmètre de nos jugements, de nos désirs de possession, de compliments, de succès. Est-ce que cette énergie qui dit « moi, moi, moi » est la racine de la violence ?

Mais bien sûr. L’ego c’est toujours la racine de la violence. Dans le zen, on dit qu’il faut résoudre la question des trois poisons, dont l’un est l’ignorance de notre véritable nature. Donc dans la pratique de ce qu’on appelle zazen — la méditation du Bouddha si vous préférez — cet ego, ce « moi », se dissout, et tous nos conditionnements également. On laisse passer tous les conditionnements qu’ils soient familiaux, culturels, locaux ; on laisse passer toutes ces choses… qui suscitent nos peurs et les alimentent.
Souvent, nous sommes pris dans le carcan de notre éducation, de la société dans laquelle nous vivons. Et nous vivons à partir de ce point de départ en créant la dualité : le bien/ le mal, ce qui est juste/ injuste… Mais quand nous nous asseyons en zazen, il n’y a plus rien de tout de cela. Il suffit de s’asseoir sans amour ni haine, ni choix ni rejet. Dans la posture elle-même, on laisse passer toutes ces idées, ces concepts ; on les observe, il y a une mise à distance qui s’opère, et tout passe, toutes les pensées passent, un peu comme des petits papiers sur la rivière.

Un mouvement conscient arrive à faire ce pas de côté, cette mise à distance pour ne pas être emporté par le courant de l’émotion. Ce n’est pas toujours le cas. Qu’est ce qui va jouer à ce moment dans le sens l’apaisement ou bien celui de l’emportement ?

Pour moi tout est dans la posture de zazen. Une toute petite correction de la posture change complètement l’état d’esprit. Ça va très vite. Alors même si vous figez, vous pouvez observer que vous figez quelque chose ; mais, dans une rivière il y a aussi des rochers, des gros cailloux — ce qui fait que tout cela est splendide, tout cela fait partie de l’être humain. Le tout est de ne pas rester fixé trop longtemps, de ressasser trop longtemps parce que nous coulons à ce moment-là. Donc, nous revenons à la concentration de se redresser, de revenir à sa colonne vertébrale, et à nouveau de laisser passer, de laisser l’eau circuler.

 C’est donc la posture du corps qui permet de déployer cette attention…

Bien sûr. Le zen c’est avant tout la pratique de zazen. Tout est contenu dans la posture de zazen, tout est dans zazen. Et c’est une posture dont mon maître disait qui exclut l’imposture. Si votre esprit sombre et que vous vous endormez, alors les pouces descendent, et votre esprit sombre et si vous corrigez… Hop, vous vous redressez, et si votre menton part en avant, c’est que votre esprit s’égare. On aime tous se faire un film, on adore ça, le temps passe vite, et on projette… Mais ça n’a rien à voir avec le laisser passer. Ça a tout à voir avec le problème de moi qui aime bien me faire un film parce que je vais faire passer le temps plus vite ; et puis dans le film c’est génial, je suis toujours l’héroïne et la meilleure, et la plus belle… (rires) Vous comprenez ?
Mais je m’absente, je perds ma qualité de présence. Alors le zen c’est être présent, c’est toujours ici et maintenant, d’instant en instant, être présent, en unité avec ce qu’on appellera l’ordre cosmique, la nature. Toucher sa véritable nature pour être en harmonie avec l’univers tout entier : et c’est ce qui se tisse entre tous les êtres, avec les arbres, les herbes…

La Voie du Bouddha nous permet de nous éveiller, de nous « réveiller », de sortir de notre aveuglement, de nos illusions, des pièges de tout fanatisme aussi séduisant qu’il puisse paraître… Le Bouddha disait : « Ne croyez pas… faites l’expérience par vous-même…. Soyez votre propre lampe ». La Voie du Bouddha n’est pas le temps de la peur, de la colère, de la soif, ni de tout ce qui pousse l’être humain à ériger des barricades, à construire des murs. La Voie du Bouddha est le temps du silence, du retour à ce que mon maître Taisen Deshimaru appelait « la condition normale », temps consacré à la connaissance de soi, à la clairvoyance, à l’absorption…. C’est le temps de la sagesse et de la compassion.


« Bouddha n’a pas enseigné une religion, mais a développé l’esprit profondément religieux »

Il y-a-t-il des lieux plus propices pour ce retour à la « condition normale » ?
L’environnement exerce bien sûr une influence déterminante sur notre aptitude à vivre notre vie quotidienne dans la non-violence. Ainsi, au Japon, les temples bouddhistes zen ont-ils une architecture et une langue, toutes imprégnées de l’influence chinoise, qui invitent au retour à un esprit paisible. L’esthétique de la simplicité, épurée de tout superflu… Un environnement bien sûr a priori très différent en Europe, où les temples ont été édifiés à partir d’un château, d’une hacienda, d’un hôtel, d’un grand local en ville, d’une jolie maison…. Mais l’état d’esprit y est le même. Tout, dans l’atmosphère qui y règne, invite à la douceur de l’esprit, au recueillement. Ainsi, comme un voyageur dépose sa valise, le pratiquant peut-il se laisser saisir par l’atmosphère et « déposer son histoire personnelle » à la porte du temple.

Peut-on déposer tout comme cela ? Sa valise, « son histoire personnelle » ?

Le faire autant que possible ! Mais c’est très difficile. Nous sommes très encombrés. Le premier point c’est déjà d’accepter qu’il y a une envie. Bouddha n’a pas enseigné une religion, mais a développé l’esprit profondément religieux : chacun peut revenir à cet esprit religieux, à sa recherche : qu’est-ce qui fait qu’un pratiquant va se mettre en route ? C’est que quelque chose ne va pas ; je pense que nous avons tous une blessure profonde qui fait qu’un jour on se pose la question : qu’est-ce qui se passe ? Souvent pour les maîtres c’est dans la mort d’un proche, qui leur a fait toucher l’éveil, l’éveil de l’impermanence. Ça peut être aussi quand tout va bien dans la vie : je rentre chez moi, dans ma petite voiture, le coffre chargé de nourriture, de choses agréables pour mes amis, je vais faire la fête et tout à coup quelque chose que je ne peux pas bien exprimer, qui serait peut-être de l’ordre de l’ennui, mais qui me fait voir peut-être la vanité de tout cela – et je ne m’amuse plus du tout au cœur de la fête. Alors quelque chose se met en route, que l’on pourrait appeler bodaishin, l’esprit d’éveil — bodhicitta chez les tibétains — et alors je ne peux pas faire taire ça, et même si autour de moi tout le monde me dit que j’ai tout pour être heureuse, « qu’est-ce qui te manque ? » Moi, je sais qu’il y a au fond de mon esprit une demande que personne ne pourra jamais satisfaire, une demande profonde de l’esprit que seule moi-même je vais pouvoir résoudre. C’est la question de dukkha, l’insatisfaction, la souffrance dont parlait Bouddha. L’insatisfaction profonde. Ensuite, de multiples causes et conditions font que je vais me retrouver dans un temple pour approfondir cette voie, étudier, en faire l’expérience directe – et non pas l’étudier dans des livres – d’en faire l’expérience avec mon corps, mon esprit. On peut faire cette expérience en tout lieu, pas seulement dans une grotte. L’esprit est partout. Et c’est vous, c’est votre décision de faire vivre cet esprit de Bouddha, de l’approfondir, de le faire grandir en vous. Il est clair que certaines conditions favorisent la concentration comme ici, au temple zen de la Gendronnière – bien sûr que mon maître a choisi cet endroit parce qu’il favorise les conditions de la pratique. Quand on fait un stage, on réunit toutes les causes et conditions pour favoriser ce retour à sa vraie nature. C’est plus facile de pratiquer ici que dans un appartement où les enfants crient, qu’au milieu du bruit de la rue…Par bonheur, il y a beaucoup de lieux de pratique aujourd’hui en occident. Et en s’y rendant régulièrement, on peut opérer ce passage de la pratique à la folie de la société et du monde, au bruit et tout cela. Après, c’est le choix de chacun : je quitte la ville ou j’y reste, mais je pense que l’esprit d’un pratiquant doit rester stable et paisible partout.

Il y a-t-il une manière de ne pas donner naissance à la violence ?
Bien sûr. Déjà, il faut se rendre compte que toute forme de contrainte, toutes les projections que l’on peut faire, la non-acceptation de l’autre tel qu’il est, et la non-acceptation de soi-même tels que nous sommes sont des choses extrêmement violentes. Aimer c’est accepter l’autre tel qu’il est et en commençant par soi-même : s’accepter tel que je suis, un ensemble, avec même ce qui ne me plaît pas et que j’ai envie de cacher aux autres pour montrer une belle image de moi. C’est déjà une chose très grande que de s’asseoir et de s’accepter tel quel, même si on ne se trouve pas terrible, surtout peut-être !

Êtes-vous sensible à la violence lointaine dans le monde, un peu dématérialisée par les médias ?

Mais bien sûr, comment peut-on rester indifférents à la souffrance du monde ? C’est impossible ! Le monde est en guerre, chaque jour des gens meurent, des boat people, des réfugiés… C’est impossible de rester indifférent à cette souffrance, à la folie de l’homme, à ce que l’homme créé, à la manière dont l’homme a généré tous ces drames écologiques. Comment l’homme est assez stupide pour détruire pareillement, tout cela pour défendre un capitalisme flamboyant dont on ne parle même plus tellement il est flamboyant, mais qui continue cette course en broyant tout sur son passage, cette immense broyeuse… On ne peut pas rester indifférent à ça. Mais je pense qu’en changeant profondément sa vie, en étant sincèrement ouvert à écouter les souffrances du monde et à donner la direction que nous pouvons à notre vie, là où nous sommes, alors nous pouvons œuvrer pour le bien de tous les êtres.

 

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Le mot de l’abbesse (Jiko Simone Wolf a publié cet article dans "Sangha" en tant qu'abbesse du temple zen de la Gendronnière en 2018

La cuillère a-t-elle le goût de la soupe ?

Un sot peut vivre toute sa vie auprès d’un maître et, quand bien même, manquer la Voie (stance du Dhamapada).

Si le temple zen de la Gendronnière est véritablement ce lieu d’accueil de grandes manifestations, comme il l’a une fois de plus démontré lors du 50ème anniversaire du zen en Europe, il est tout aussi vrai qu’il s’y crée et s’y recrée au quotidien une vie monastique, dans la force et le courage de ceux qui y consacrent l’énergie de  leur aspiration, que ce soit durant un mois, trois mois, voire une année. Peu importe… Le temps n’est ni à chercher,  ni à retrouver. C’est toujours ici et maintenant qu’ensemble nous pratiquons.

Bouddha a dit, en voyant l’étoile du matin : « je me suis éveillé avec toutes les existences ». 

C’est dans cette même posture, expérimentée par Shakyamuni, que nous nous mettons en unité avec toutes les existences, avec le monde, continuant ainsi son éveil, et c’est dans ce silence où chacun est directement en contact avec la véritable paix et liberté de l’esprit, interconnecté, que nous suivons l’ordre cosmique.

Chaque jour, nous pratiquons. Passant et repassant la poutre, entrant et sortant, répétant sans cesse ce mouvement... Mais, très souvent, dès la sortie du dojo, nous nous retrouvons confrontés non plus au monde, mais à notre propre monde, celui de nos avidités, de nos colères et de notre ignorance. Et les problèmes apparaissent…

Tomber et se relever, persévérer, se corriger est un effort quotidien. C’est la joie de notre pratique qui nous permet d’approfondir, de continuer à vivre, faisant vivre ainsi cette vie monastique. C’est bien par l’autre,  par toutes  les existences, que passe l’éveil. Cette intensité de la pratique doit permettre à chacun de trouver et de développer son véritable pouvoir, sa véritable potentialité.

Shakyamuni avait un disciple appelé Sulapanthaka, critiqué, rejeté, moqué, méprisé par les autres, qui, tous, le laissaient ou le reléguaient dans une position d’incompétence. Désespéré, ayant fini par se mésestimer, Sulapanthaka demanda au Bouddha Shakyamuni comment il pouvait réaliser l’éveil dans son quotidien. Shakyamuni lui dit alors : « il est peut-être difficile pour toi d’apprendre, mais ce n’est pas le seul moyen. Tu peux nettoyer, tu peux prendre un balai et nettoyer les abords du temple ». Mettant de côté ses résistances, Sulapanthaka suivit exactement les conseils de son maître. Jour après jour, il prit un balai en fredonnant « Nettoyer, nettoyer, nettoyer » Comme on fredonne silencieusement « Bouddha, Dharma, Sangha » en cousant le kesa. Au bout d’un certain temps, les abords du monastère devinrent splendides, plus accueillants qu’ils ne l’avaient jamais été et, s’il n’était pas un homme brillant d’intelligence, Sulapanthaka réalisa l’éveil et put communiquer sa joie d’homme simple et sage, désormais  « balayé » par le respect de tous, comme le vent dans les feuilles.

Les changements véritables ne sont jamais spectaculaires. Ils nous imprègnent comme la rosée et la brume imprègnent nos vêtements. Comprenant que nos actes et nos pensées ont des répercussions sur les autres, actes, paroles et pensées se simplifient. Progressivement, les tumultes émotionnels et les violences verbales diminuent. Suivant les mots de l’enseignement, trouvant notre voie, savourant notre soupe… La cuillère ne restera pas indifférente.

 

Histoires zen

 

Le moine et le Samourai
Un jeune moine se rendait en ville, porteur d’un pli important à remettre en mains propres à son destinataire. Il arrive aux abords de la ville et, pour y pénétrer, doit traverser un pont. Sur ce pont se tenait un Samouraï expert dans l’art du sabre et qui, pour prouver sa force et son invincibilité, avait fait le voeu de provoquer en duel les 100 premiers hommes qui traverseraient ce pont. Il en avait déjà tué 99. Le petit moine était le centième. Le Samouraï lui lança donc un défi. Le moine le supplia de le laisser passer car le pli qu’il portait était d’une grande importance."Je vous promets de revenir me battre avec vous une fois ma mission accomplie."Le Samouraï accepta, et le jeune moine alla porter sa lettre. Mais avant de retourner sur le pont, il se rendit chez son Maître pour lui faire ses adieux, certain qu’il était perdu." Je dois aller me battre avec un grand Samouraï, lui dit-il, c’est un champion de sabre et moi je n’ai jamais touché une arme de ma vie. Je vais donc être tué...""En effet, lui répondit son Maître, tu vas mourir car il n’y a pour toi aucune chance de victoire, tu n’as donc plus besoin d’avoir peur de la mort. Mais je vais t’enseigner la meilleure façon de mourir : tu brandiras ton sabre au dessus de ta tête, les yeux fermés, et tu attendras. Lorsque tu sentiras un froid sur le sommet de ton crâne, ce sera la mort. A ce moment seulement, tu abattras les bras. C’est tout..."

Le petit moine salua son Maître et se dirigea vers le pont où l’attendait le Samouraï. Ce dernier le remercia d’avoir tenu parole et le pria de se mettre en garde. Le duel commença. Le moine fit ce que son Maître lui avait recommandé. Tenant son sabre à deux mains, il le leva au dessus de sa tête et attendit sans bouger. Cette attitude surprit le Samouraï car la posture qu’avait prise son adversaire ne reflétait ni la peur ni la crainte. Méfiant, il avança prudemment. Impassible, le petit moine était concentré uniquement sur le sommet de son crâne.Le Samouraï se dit : "Cet homme est sûrement très fort, il a eu le courage de revenir se battre avec moi, ce n’est certainement pas un amateur."Le moine toujours absorbé, ne prêtait aucune attention aux mouvements de va-et-vient de son adversaire. Ce dernier commença à avoir peur : "C’est sans aucun doute un très grand guerrier, pensa-t-il, seuls les maîtres de sabre prennent dès le début d’un combat une position d’attaque. Et en plus, lui, il ferme les yeux."

Et le jeune moine attendait toujours le moment où il ressentirait ce fameux froid au sommet de sa tête. Pendant ce temps le Samouraï était complètement désemparé, il n’osait plus attaquer, certain au moindre geste de sa part d’être coupé en deux. Et le jeune moine avait complètement oublié le Samouraï, attentif uniquement à bien appliquer les conseils de son Maître, à mourir dignement.

Ce furent les cris et les gémissements du Samouraï qui le ramenèrent à la réalité : "Ne me tuez pas, ayez pitié de moi, je croyais être le roi du sabre, mais je n’avais jamais rencontré un Maître tel que vous. S’il vous plaît, s’il vous plaît, acceptez moi comme disciple, enseignez moi vraiment la Voie du sabre...